Le désir d’assurer l’avenir matériel de votre enfant handicapé en lui transmettant votre patrimoine est légitime. Mais en avez-vous mesuré toutes les conséquences ?

Les parents d’un enfant handicapé souhaitent souvent l’avantager par rapport à ses frères et sœurs en lui transmettant la part la plus importante possible de leurs biens. Mais si l’enfant recueille ainsi un patrimoine ou des revenus importants, il risque de perdre les allocations ou aides sociales attribuées sous conditions de ressources. En outre, s’il est célibataire et sans descendance, ses biens reviendront en principe, à son décès, à ses frères et sœurs, avec une fiscalité très lourde.

Choisir entre testament et donation

Legs minimal. Une première solution, si vous avez confiance dans la droiture des frères et sœurs, consiste à avantager ces derniers par testament, en ne laissant à l’enfant handicapé que sa part minimale d’héritage (sa réserve). « En échange, le testament imposera aux frères et sœurs de subvenir financièrement aux besoins de l’enfant handicapé, grâce aux biens qu’ils ont reçus. Un exécuteur testamentaire veillera à ce qu’ils respectent cette condition, sous peine de voir le testament révoqué », explique Jean-François Sagaut, notaire à Paris.

Legs graduel ou résiduel. Par testament, vous léguez un bien à votre enfant handicapé, mais en prévoyant qu’à son décès, ce bien reviendra automatiquement à une autre personne (les frères et sœurs en général, ou les neveux et nièces). Cela réduit les droits de succession, car le fisc considère, lors de la seconde transmission, que le bien n’est pas légué par l’enfant handicapé à sa fratrie (ce qui supposerait de payer 35 %, voire 45 % de droits de succession), mais bien par les parents à leurs autres enfants, après le décès du premier. Le tarif avantageux des transmissions en ligne directe s’applique donc dans ce cas. De plus, les droits payés par le premier bénéficiaire (l’enfant handicapé) sont déduits de ceux dus par les seconds.

Donner, une bonne idée ?

Ce mécanisme s’applique aux donations, susceptibles elles aussi d’être graduelles ou résiduelles, si c’est prévu par acte notarié. « Or, les parents d’un enfant handicapé ont intérêt à anticiper leur succession et à donner de leur vivant autant que possible, pour réduire les droits de succession, notamment en utilisant à plusieurs reprises les abattements, qui se reconstituent tous les quinze ans », relève Me Sagaut, qui conseille de conserver l’usufruit des biens donnés. Ainsi, les droits de succession sont allégés, car calculés sur la valeur de la seule nue-propriété. De plus, les parents, qui gardent les revenus de ces biens, ne privent pas leur enfant des aides sociales.

Souscrire un contrat d’assurance-vie

Investir dans un contrat d’assurance-vie (quitte à vendre d’autres biens pour placer le produit de la vente sur le contrat) permet de transmettre, à votre décès, un capital avec une fiscalité légère. Surtout, certains contrats prévoient de verser à votre enfant une rente à vie, ce qui lui garantit un revenu régulier, même si la rente n’est pas revalorisée et subit les effets de l’inflation au fil des années. Au décès de l’enfant handicapé, cette rente cessera d’être versée, et rien ne reviendra à ses héritiers. Toutefois, certains assureurs prévoient des dispositifs plus sophistiqués permettant qu’un reliquat de capital soit reversé aux proches si le rentier décède peu après avoir commencé à percevoir ce revenu.

Profiter d’un contrat « épargne handicap »

Ce type de contrat est réservé aux personnes handicapées. Celles-ci ont le droit de souscrire en leur nom un contrat « épargne handicap » pour bénéficier par la suite d’une rente viagère. Elles profitent alors d’une réduction d’impôt égale à 25 % des sommes investies chaque année, dans la limite de 1 525 € (plus 300 € par enfant à charge). Les parents qui souscrivent un contrat « rente survie » au profit d’un enfant handicapé ont droit au même avantage fiscal. Ce contrat garantit, en échange des primes versées, le versement d’une rente à l’enfant au décès des parents, qui ne sera pas retenue dans les ressources prises en compte pour l’attribution des allocations et aides sociales.

Établir un mandat de protection future

Par acte notarié, les parents ont le droit de rédiger un mandat de protection future pour leur enfant handicapé, à condition d’exercer sur lui l’autorité parentale ou que cet enfant, une fois majeur, soit à leur charge matérielle et affective. Dans ce mandat, ils désignent la personne qui s’occupera de son bien-être et de la gestion ou non de son patrimoine, après leur disparition. Les pouvoirs de ce mandataire, à préciser dans l’acte, peuvent être très étendus : percevoir les revenus et placer les capitaux, louer les biens, les vendre. Attention à ne pas confondre ce mandat avec le mandat à effet posthume, à l’intérêt plus limité, qui désigne seulement une personne chargée d’administrer provisoirement la succession des parents.

Profiter de l’abattement supplémentaire

Les handicapés physiques et mentaux ont droit à un abattement spécifique de 159 325 € sur les biens qu’ils recueillent par donation ou succession, quel que soit leur lien de parenté avec le défunt, si leur infirmité les empêche de se livrer dans des conditions normales de rentabilité à toute activité professionnelle ou d’acquérir une formation normale. Cet abattement s’ajoute à ceux dont ils profitent par ailleurs (comme celui de 100 000 € entre parent et enfant).

« Préférez une donation ou un legs résiduel »

Jean-François Sagaut, notaire à Paris

« Si vous optez pour une donation ou un legs graduel, les biens transmis à votre enfant devront rester dans son patrimoine jusqu’à son décès, pour revenir alors aux seconds bénéficiaires (les frères et sœurs, en général). Il sera donc impossible de les vendre, même si cela devient nécessaire pour subvenir aux besoins de la personne handicapée. Au contraire, avec une donation ou un legs résiduel, la vente reste possible. Évidemment, en cas de vente, les seconds bénéficiaires ne recevront pas le bien à son décès, et ne seront pas dédommagés pour autant. »